Exposition
Les œuvres actuelles en temps de crises écologiques visent à faire alliance avec celles et ceux qui ne se laissent pas fasciner par les lignes de mort, les mondes sérial- killers qu’alimentent les théories de l’effondrement. Il est urgent d’apprendre à accueillir l’intrusion de Gaïa, nous dit la philosophe Isabelle Stengers. Elle est une force terrestre qui « oblige d’être prise en compte » pour agir et lutter contre une alternative infernale qui nous étouffe : ou bien un déterminisme fermé à toute nouveauté ou bien la barbarie des loups solitaires prêts à tout. L’aventure entrelacée de la vie humaine et non-humaine, pour peu qu’on lui prête attention, qu’on lui accorde des valeurs, n’est jamais donnée d’avance. Le réel s’expérimente, s’altère, se modifie, se regonfle, et rien ne tient sans en payer le prix et sans la volonté de faire tenir.
Notre monde commun actuel nous fait hésiter sur des possibles et, contre les replis sur soi du « on continue », les artistes ne devraient pas hésiter à polliniser des lieux refuges dans les ruines du capitalisme, tout en préservant leur jouissance à créer. Ces relais artistiques, en alliance avec d’autres, sont capables de relier et d’attiser des forces communes tapies dans l’ombre, dont le monde a besoin pour continuer de vivre. Comment nos pièces d’artistes peuvent-elles participer aux communs ?
Dès lors cette mise au travail grâce aux rencontres transculturelles nous fait sentir l’importance de créer des ponts pour nous adresser à ces autres, qu’il n’était pas question de piller par goût de l’exotisme. Et ces autres sont également des milieux associés à des métiers d’art : ils demandent que l’on s’adresse à eux avec la même conscience d’étrangeté qui surgit quand une œuvre ou un ouvrage ne fait pas un écart exotique par rapport à nos références mais quand elle nourrit son propre milieu.
C’est dans cette perspective que s’envisage l’exposition « embrouillement crépusculaire » : C’est heureux que dans cette exposition nos deux artistes face à face font alliance pour montrer d’un bout à l’autre et de manière libre, un déploiement de variations, nuances, le verre matière-motif, montrer donc, l’ampleur des pratiques liées aux verres.
D’une part l’artiste Frédérique van Overschelda ne s’y trompe pas, pour lui le devenir de son art est porté d’abord par son artisanat. Une fois l’école fini (rijk academy amsterdam) il retrouve avec la pratique du néon de son grand père, puis, plus tard, du verre soufflé une vrai joie créative. Toute l’affaire revient alors à la manière d’hériter à la fois de ce qui l’a mis au travail et hériter de ses années d’études. Les métiers d’art connaissent la valeur du collectif impliqué dans le processus de réalisation. Un verrier a, d’une manière ou d’une autre, affaire à d’autres artisanats. Il est rare que l’ouvrage mis en œuvre ne fasse alliance avec d’autres techniques, ne serait-ce que pour sa mise en valeur. Un verrier a, d’une manière ou d’une autre, affaire à des artistes designers quand ce.lles.ux.ci font appellent à son savoir faire et par association, développent des recherches telles que cela ce pratique aujourd’hui pour certain.e.s plasticien.ne.s, devenu.e.s à l’image des chercheu.r.e.s mais aussi de l’artiste visuel touche à tout.
D’autre part Isabelle Rouquette ( Ecole d’Art de Nîmes) fabrique des sculptures par agencements « composites ». Solliciter les métiers d’art du verre soufflé et de la soudure du métal l’a amenée ainsi à créer une forme sculpturale bien particulière, capable de les accueillir et d’en témoigner. Cette forme est celle de sabliers gigognes, lesquels, par leur caractère d’emboîtements hétéroclites, invitent à mettre en scène un « multivers » de rencontres transculturelles. Chacune des pièces à sa couleur distincte, bleue, rouge, jaune, rose choisie sur un nuancier spécifique. Mais à un certain point de vue de l’alignement, l’anamorphose (voir dessin ci-joint) s’involve, les pièces se confondent et deviennent une et donc multicolore grâce à la transparence. C’est important qu’il n’y est pas que frontalité et que les pièces se découvrent, que tout ne soit pas donné d’un seul coup. Le socle réalisé en métal permet à nouveau différents états-étapes de lectures. Ici le travail à faire consiste à réaliser quatre pièces « Sablier » Gigognes en verre soufflé. Ces pièces sont réalisables en y associant plusieurs personnes et institutions, un souffleur de verre, un musée, une artiste soudeuse et une école de formation. Au mois de septembre 2022, débute les échanges avec l’ingénieur du musée « Nationaal Glasmuseum Leerdam » afin d’expérimenter la fabrication concrète des pièces. L’étude a porté sur la faisabilité. Plusieurs moments avec l’artiste Philomène Zeltz ont permis d’élaborer un dispositif métallique dont la précision (en lien avec ses enseignants) nourrie magnifiquement l’espoir de qualité qu’exige une telle expérimentation.